L’HISTOIRE DES COLLECTIONS ET LA QUESTION DU MARCHE DE L’ART

L’HISTOIRE DES COLLECTIONS ET LA QUESTION DU MARCHE DE L’ART

Conférence donnée par Marc-André Haldimann, Docteur en archéolgie

Mardi 3 décembre 2019 à 18.30 – Uni Bastions, salle B105

Entrée libre

 

Cabinet de curiosités, Hollande, 1625 (image Franz II Franken 1625)

 

Nos collections publiques ont pour origine les cabinets de curiosités des princes européens du XVIe siècle. Cadeau diplomatique par excellence, l’objet archéologique est d’emblée porteur d’un message de légitimité institutionnelle : son détenteur est l’héritier de la perfection antique, modèle idéal des cours européennes, puis des industriels et des commerçants de l’Europe des Nations du XIXe siècle. Mis au jour dans les fouilles pratiquées dans les pays sources par cette même Europe alors dans sa phase colonialiste, l’objet antique, qu’il soit égyptien, mésopotamien ou gréco-romain souligne le prestige des nations occidentales ; elles savent le mettre en valeur dans ces institutions émergentes que sont leurs musées. Un point domine cet historique ancien : la provenance et le contexte des découvertes des oeuvres sont parfaitement connus et publiés. Cet idéal du savoir sera victime du traumatisme sans précédent occasionné par la 2e Guerre Mondiale. Depuis 1945, l’urgence de reconstruire en remplaçant le patrimoine disparu a provoqué, face à l’immensité de la demande, la perte de toute provenance pour les objets issus du marché de l’art.

Atterrés par la multiplication des fouilles clandestines découlant de cette quête de restauration physique et morale rapidement transformée en chasse au trésor d’un genre nouveau, les archéologues de terrain dénoncent ces dérives et provoquent une réaction indispensable. La convention promulguée par l’UNESCO en 1970 pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels en est la conséquence. Elle est le socle  fondateur des législations nationales qu’elle a depuis inspiré, à l’instar de la Loi suisse sur le transfert des biens culturels (LTBC) promulguée en 2005. Ce corps de lois fut combattu avec véhémence par les protagonistes du marché de l’art. Tout en rappelant être à l’origine même de la sauvegarde du patrimoine, leur credo se résume au fait que chaque objet dans un musée ou dans une collection particulière est un objet « sauvé » de l’incurie et du vandalisme ordinaire ayant cours dans les pays source. On sait depuis les affaires Medici et Becchina qui secouèrent en 1995 Genève et en 2002 Bâle ce qu’il en était vraiment : ce marché là était axé sur l’exploitation sans scrupules du pillage de plus en plus intensif des pays sources.

Conservateurs de musées et archéologues sont de plus en plus nombreux à se préoccuper de la sauvegarde du patrimoine et de la lutte contre le trafic illicite. Grâce aux lois promulguées, ces actions donnent des résultats tangibles : les affaires se multiplient, les dossiers s’étoffent, les prétoires prennent le pli de ce type de procédure jusqu’alors exceptionnel. En parallèle, le ravage des sites archéologiques et des institutions muséales a atteint ces dernières années un niveau sans précédent. Vers quel avenir se dirige la conservation de notre Passé ?

 

Giacomo Medici posant devant le cratère d’Euphronios, fruit de son pillage et exposé au Metropolitan Museum de New-York.

La ville antique de Doura-Europos, Syrie, intacte en 2012 et ravagée par les trous de pillage le 2 avril 2014

Aphrodite à la tortue, Doura-Europos


La nymphe de Casperia et la villa de Casperia (RI) dont elle provient, Musée d’art et d’histoire

Biographie

  • Etudes d’histoire générale à l’Université de Genève, Licence ès-lettres en 1986
  • Doctorat en archéologie gallo-romaine, soutenu en juin 2004 à l’UNIL
  • Prix de la Faculté de Lettres de l’UNIL pour la meilleure thèse en sciences humaines en 2004
  • 23 ans de fouilles en Suisse romande, en Jordanie et en Egypte.
  • Conservateur en chef du Département d’archéologie, Musées d’art et d’histoire, Genève (2003 – 2011)
  • Chercheur associé auprès de l’Institut d’archéologie de l’Université de Berne depuis 2012
  • Expert pour l’archéologie méditerranéenne, Office fédéral de la Culture depuis 2012
  • Expert UNESCO pour la Syrie depuis 2014